• NIGER : Timide participation des femmes à la vie politique

    de Souleymane Maâzou

    NIAMEY , 26 jan (IPS) - La participation de la femme nigérienne à la vie politique connaît une amélioration ces dernières années grâce à une loi sur le quota, mais ce progrès est en deçà de leur nombre au sein de la société.

    Après les élections législatives et locales d’octobre et de décembre 2009, la question de la représentativité des femmes dans les instances décisionnelles refait surface. Aux dernières législatives, seulement 11 femmes étaient élues sur un total de 113 députés au parlement. En 2004, elles étaient 14 députées pour le même nombre de sièges.

    Pourtant, selon les statistiques de l’Institut national de la statistique (INS), les femmes représentent plus de 50 pour cent de la population nigérienne estimée à environ 14 millions d’habitants
    ‘’Malgré ce poids démographique, les femmes ont été marginalisées et ne prenaient pas part au débat politique. Cela explique leurs petites prouesses aux différentes élections’’, explique à IPS, Amadou Boubacar, sociologue basé à Niamey, la capitale nigérienne.

    Au Niger la principale cause de la faible participation des femmes à la gestion de la cité est le taux d’analphabétisme. La fillette en âge d’aller à l’école a moins de chance que son frère de poursuivre une scolarité normale.

    ‘’Pendant longtemps dans notre pays, on a estimé que la scolarisation des filles n’était pas nécessaire, vu que ces dernières sont appelées à quitter leurs parents après le mariage’’, commente Hadjia Ramatou, candidate aux dernières élections municipales de décembre. Autrement dit, ajoute-t-elle à IPS, on préfère plutôt investir dans la vie scolaire des garçons, en ville comme en campagne.

    Aujourd’hui seulement 38,52 pour cent des filles sont scolarisées et le taux des femmes analphabètes avoisine les 88 pour cent, selon l’INS.

    ‘’Cet analphabétisme féminin est la cause directe de la relégation de la femme en citoyenne de seconde zone’’, soutient Amadou Moussa, 67 ans, enseignant à la retraite. Les femmes demeurent sous représentées dans les instances de décision au Niger, et la sphère politique est largement dominée par les hommes.

    Cependant, les femmes nigériennes ne cessent de lutter, aux côtés des hommes, pour la construction et la consolidation d’un régime multipartite et démocratique dans leur pays.

    Selon Abdoulaye Moussa, militant du Mouvement national pour la société de développement (MNSD), la question de la représentation des femmes au parlement ne dépend pas uniquement de l’éducation des femmes, mais des orientations et des choix des formations politiques.

    ‘’Les obstacles à la participation politique des femmes sont nombreux. Elles doivent faire face à des difficultés d’ordre familial tout en luttant contre les pesanteurs socioculturelles et la discrimination au sein des partis politiques‘’, a expliqué à IPS, Aissata Mounkaila, élue deux fois députée nationale sous la bannière du MNSD.

    Aichatou Sidikou, membre du bureau de la section de Niamey de l’Organisation révolutionnaire pour une démocratie nouvelle, dénonce une discrimination au sein des partis politiques, qui contribue à rendre difficile la vie de la femme politique nigérienne.

    ‘’C’est surtout les heures auxquelles se tiennent les réunions décisives des partis politiques qui excluent les femmes. Les réunions se tiennent à des heures tardives, et le plus souvent, les femmes sont absentes à cause de leurs devoirs familiaux. C’est un complot des hommes pour nous écarter’’, a-t-elle déploré.

    Les dernières élections législatives d’octobre 2009 ont montré, une fois encore, que les partis politiques ne sont pas disposés à soutenir leurs candidates, malgré l’existence d’une loi sur le quota.

    ‘’Les partis politiques ont respecté la loi sur le quota, mais les femmes sont toujours minoritaires’’, regrette Halimatou Abdou, une militante de la Convention démocratique et sociale (CDS).

    Face aux inégalités cruciales qui existent entre les femmes et les hommes dans leur participation à la vie publique, le gouvernement nigérien a approuvé en 1996 une politique nationale de la promotion des de la femme. Elle a abouti en 2000 à l’adoption d’une loi sur le quota qui fixe un seuil minimal de participation de chaque sexe à la gestion des affaires publiques.

    Aux termes de cette loi, la proportion des candidats élus de l’un ou de l’autre sexe ne doit pas être inférieur à 10 pour cent dans la proclamation des résultats définitifs d’une élection législative ou locale. De même, lors de la nomination des membres du gouvernement et de la promotion aux emplois supérieurs de l’Etat, cette proportion ne doit pas être inférieure à 25 pour cent.

    La loi sur le quota, entrée en vigueur en 2002, a beaucoup favorisé l’émergence politique des femmes pendant les élections générales de 2004. Quatorze femmes étaient élues députées, soit une proportion de 12 pour cent, alors qu’en 1999, sur les 83 députés, il n’y avait qu’une seule femme élue. Aux municipales de 2004, 671 d’entre elles devenaient conseillères sur 3.747 postes à travers les 256 communes du Niger.

    Toutefois, Moussa Ali, juriste à Niamey, ne partage pas l’idée de progrès des femmes. ‘’Cette avancée favorisée par la loi sur le quota n’est que de la poudre aux yeux. Ce sont toujours les hommes qui tiennent les rênes du pouvoir et continuent de désigner des femmes aux postes de responsabilité’’, dit-il à IPS.

    Dans une récente étude réalisée par le sociologue Moussa Zangaou sur la participation de la femme aux instances de décision, le quota est seulement plus respecté dans les ministères dirigés par des femmes.

    Pour Fatimata Abdoulaye, une militante du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme, les femmes sont encore minoritaires dans les instances dirigeantes des partis et n’ont donc pas le poids qui leur permettait d’imposer leur volonté. C’est au niveau local que les femmes peuvent régler le problème de leur représentativité à travers un travail de proximité, souligne-t-elle.

    Zeinabou Issa, membre de la CDS, partage cet avis. Elle affirme que pour promouvoir la situation des femmes en politique, il faut envisager des quotas dans chaque parti. Les femmes doivent avoir confiance en elles-mêmes tout en créant une chaîne de solidarité.

    Les femmes constituent pourtant la cheville ouvrière des partis politiques du point de vue de mobilisation des électeurs.

    ‘’Le manque d’argent pour entretenir financièrement les électeurs est un grand handicap pour les femmes. Chaque candidate réunit, par ses propres moyens, l’argent pour mobiliser les électeurs. Cela se fait à coup de billets de francs CFA. Malheureusement, les femmes n’ont pas les moyens’’, explique à IPS, Hadjia Haoua, militante du Rassemblement démocratique du peuple.

    ‘’Dans un pays comme le Niger où la démocratie se conçoit au sein des partis politiques comme un processus qui permet au plus riche d’invertir et de tirer le maximum de profits une fois l’objectif atteint, il ne peut y avoir de places pour la femme’’, affirme, pour sa part, Dr Amina Balla Kalto, enseignante à l’Université de Niamey. (FIN/2010)

    Source : Inter Press Service (IPS) Afrique
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