• Méningite: un fléau africain bientôt sous contrôle?

     

    Un nouveau vaccin et une vaste mobilisation caritative laissent espérer un progrès majeur de santé publique dans 25 pays africains.

    Lining up for vaccination, by hdptcar via Flickr CC

    L’Afrique n’est en rien synonyme de calamités dans le domaine de la santé. Après les progrès progressivement obtenus dans le traitement des malades du sida, on vient d’apprendre que des avancées sanitaires majeures commencent à être obtenues dans la lutte contre les épidémies récurrentes de méningite qui sévissent dans plus d’une vingtaine de pays africains.

    La «ceinture de Lapeyssonnie»

    Il s’agit plus précisément des pays inclus dans la «ceinture de la méningite» un concept forgé en 1963 par le médecin militaire français Léon Lapeyssonnie, et suffisamment solide pour que l’on parle toujours aujourd’hui (du moins dans l’espace francophone) de la «ceinture de Lapeyssonnie».

    Cette ceinture est, telle qu'il l'avait définie: «une bande de terrain courant de l’Atlantique à la mer Rouge, entre le 4e et le 16e degré de latitude». Cet espace de l’Afrique subsaharienne (qui va du Sénégal jusqu'à l'Éthiopie) enregistre toujours les taux les plus élevés de prévalence de méningite à méningocoques. Il s’agit le plus souvent —dans 80 à 85% des cas— de méningites dues à une bactérie méningocoque du «sérogroupe A». L’infection, quand elle n’est pas mortelle, peut provoquer de graves séquelles, irréversibles.

    Les méningites sont des inflammations de certains tissus cérébraux qui peuvent être dues soit à des virus (dans ce cas, elles sont souvent bénignes) soit à des bactéries. Plus rares, ces dernières sont aussi plus graves. D'autant plus lorsqu'elles surviennent, comme en Afrique subsaharienne, sur un mode épidémique.

    Environ 450 millions de personnes vivent dans la zone définie par Lapeyssonnie, et l’une des plus grandes vagues épidémiques enregistrée a, en 1996-1997, touché plus de 250.000 personnes et provoqué 25.000 décès.

    «Au cours de la saison épidémique de 2009, quatorze pays africains ont mis en œuvre une surveillance renforcée qui a permis d'enregistrer un total de 88.199 cas suspectés, dont 5.352 décès, le nombre le plus élevé depuis l'épidémie de 1996», précise-t-on auprès de l’OMS.

     

     

    Un vaccin contre le méningocoque

    Fatalité? Non: de nouvelles données laissent espérer de possibles et considérables avancées sanitaires dans ce domaine. On vient ainsi d’observer un déclin historique du nombre des cas de méningite dans trois pays d’Afrique de l’Ouest. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger font ainsi état du nombre le plus faible de cas confirmés de méningite A jamais enregistrés au cours d’une saison épidémique, et ce après l’introduction d’un nouveau vaccin.

    C’est ce que révèlent aujourd’hui les responsables du Projet Vaccins Méningite (MPV), un partenariat entre l’OMS et Path créé en 2001 grâce à un don de 70 millions de dollars de la Fondation Bill & Melinda Gates. Il a pour mission d'éliminer la méningite épidémique en tant que problème de santé publique en Afrique subsaharienne, et ce grâce au développement, à la mise au point, à l'introduction et l'utilisation à grande échelle de vaccins conjugués contre le méningocoque.

     

    «Alors que la saison épidémique 2010-2011 est largement terminée, les données de surveillance recueillies par l’OMS ne recensent que quatre cas confirmés de méningite A au Burkina Faso, le premier pays à avoir introduit le vaccin à échelle nationale, explique-t-on auprès de MVP.

    Trois de ces cas ont été signalés chez des personnes originaires du Togo voisin qui avaient traversé la frontière pour se faire soigner au Burkina Faso; le quatrième cas a été identifié chez un citoyen burkinabè qui n’avait pas reçu le vaccin. Aucun cas n’a été confirmé au Mali; quatre cas ont été recensés au Niger chez des personnes non vaccinées.

    Ces données initiales sont extrêmement encourageantes, mais il sera crucial de poursuivre la surveillance renforcée de la méningite et le suivi précis de la couverture vaccinale afin de confirmer les effets du vaccin lors de son introduction dans la ceinture méningitique.»

     

    Il y a six mois, ces trois pays d’Afrique de l’Ouest étaient les premiers à introduire un nouveau vaccin (dénommé «MenAfriVac») et obtenir la vaccination de près de 20 millions de personnes. Alors que le Burkina Faso avait vacciné près de 100% de la «population cible» dans l’ensemble du pays, le Mali et le Niger avait opté pour une introduction par étapes, en vaccinant les districts les plus à risque en 2010 et les autres à la fin de l'année 2011.

     

    «Nous attendions beaucoup de ce vaccin et nos attentes sont dépassées, explique le professeur Adama Traoré, ministre burkinabè de la Santé. Notre pays souffre depuis plusieurs décennies d'épidémies répétées de méningite A. On est proche de zéro cas de méningite A cette année, ce qui nous permettra de réorienter les ressources vers la prise en charge d'autres maladies et la lutte contre d'autres types d'épidémies.» 

    On précise, auprès de MPV, que MenAfriVac est le premier vaccin anti-méningococcique à avoir été «spécifiquement conçu pour l’Afrique». Il est élaboré par la société indienne Serum Institute of India, et son coût de développement est situé à moins d’un dixième des 500 millions de dollars (348 millions d'euros) habituellement nécessaires au développement et à la mise sur le marché d’un nouveau vaccin dans les pays industrialisés.

    Toujours selon les responsables de MPV, ce nouveau vaccin dit «conjugué» possède plusieurs avantages par rapport à ceux jusqu’ici utilisés pour combattre les épidémies de méningite en Afrique. Il protège les enfants dès l’âge d’un an et semble offrir une protection de plus longue durée. Il devrait ainsi permettre l’élimination progressive des épidémies de méningite A dans les 25 pays de la ceinture africaine de la méningite.

     

    Les responsables de MPV annoncent que la prochaine série de campagnes de vaccination 2011-2012 est en cours de planification. Celles débutées l’an dernier au Mali et au Niger seront finalisées et de nouvelles campagnes débuteront au Cameroun, au Nigeria et au Tchad. On disposera ainsi selon eux d’un «bloc contigu de populations immunisées» et ce au cœur même de la ceinture. En tenant compte des populations vaccinées lors des campagnes de décembre 2010, près de 65 millions de personnes auront reçu le vaccin MenAfriVac à la fin de cette année.

     

    Des experts de Path, de l’OMS et d’autres organisations partenaires aident aujourd’hui les ministères de la Santé du Cameroun, du Nigeria et du Tchad à déterminer les stratégies les plus appropriées à l’introduction de ce nouveau vaccin:

    «L’engagement en faveur d’une introduction rapide de ce vaccin est remarquable, tant de la part des ministères de la Santé de la ceinture méningitique africaine que de la part des partenaires et des populations affectées», déclare le docteur Luis Sambo, directeur régional du Bureau OMS pour l’Afrique, avant d’ajouter que «l’OMS et ses partenaires continueront à aider les pays à améliorer les systèmes de surveillance de la maladie et de pharmacovigilance au fur et à mesure que le vaccin sera introduit en Afrique.»

    475 millions de dollars pour protéger l'Afrique

    Un problème financier demeure toutefois, qui doit être résolu afin que ce vaccin soit introduit dans l’ensemble des 25 pays de la «ceinture méningitique» d’ici 2016. L’Alliance Gavi, qui soutient activement l’introduction de MenAfriVac, a récemment donné 100 millions de dollars pour financer l’achat de vaccins et les coûts opérationnels des campagnes au Cameroun, au Nigeria et au Tchad. On estime qu’il faudra 375 millions de dollars supplémentaires pour protéger les populations les plus exposées dans les autres pays concernés.

    «Nous avons bon espoir de trouver le moment venu, sur cette question, des réponses financières adaptées», a déclaré à SlateAfrique le docteur Marc LaForce, directeur du MVP.

     

    Ce dernier vient de publier avec Jean-Marie Okwo-Bele (directeur du département des vaccins à l’OMS) dans la revue spécialisée Health Affairs une étude démontrant que l’introduction de ce vaccin dans les sept pays africains les plus touchés permettrait de prévenir, dans les dix prochaines années, un million de cas de méningite et d’économiser dans le même temps jusqu’à 300 millions de dollars.

    «Ce vaccin offre aux autorités sanitaires africaines, pour la première fois, une solution abordable et à long terme qui protège même les jeunes enfants contre la méningite A», confie le docteur LaForce.

    Prudent, il nous dit préférer ici parler de «mise sous contrôle» de la méningite en Afrique plutôt que de son «éradication». «Contrôle» ou «éradication», le moment viendra peut-être bientôt de commémorer, à un peu plus d’un demi-siècle de distance, les travaux de Léon Lapeyssonnie.

    Jean-Yves Nau

    Source : Slate Afrique

     

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