• Lettre ouverte d’une paysanne aux femmes intellectuelles

    Femme_NigerienneMes sœurs et filles qui avez eu la chance d’aller à l’école des Blancs. Il y a deux jours, ma fille qui enseigne dans un village pas très loin du nôtre est venue est rentrée à la maison le jeudi soir et m’a dit qu’elle ne retournera à son poste que le dimanche, c’est-à-dire qu’elle ne va pas travailler le vendredi. Et comme je sais qu’elle vient d’habitude tous les vendredis soir, après avoir passé la journée à l’école, je me suis inquiétée  en lui demandant si elle n’a pas eu de problème avec le Directeur de son école qui l’aurait chassée.

    Elle m’a simplement répondu que cette journée du vendredi qu’elle va chômée est une grande journée pour les femmes nigériennes et que partout dans le pays les femmes ne vont pas au travail au cours de cette journée. Devant mon insistance à en savoir un peu plus, ma fille m’a dit que dans les grandes villes, les femmes organisent même des manifestations et demandent aux dirigeants du pays d’apporter des solutions aux différents problèmes que rencontrent les femmes. Ma fille m’a même dit – je ne sais pas si elle dit vrai – que cette journée est célébrée depuis vingt ans aujourd’hui et que tous les ans les femmes exposent aux dirigeants du pays les différents problèmes que rencontrent les femmes nigériennes. Toujours selon ma fille – que je ne commence à ne plus croire – c’est grâce aux manifestations que vous organisez à l’occasion de cette journée que vous êtes parvenues à obtenir une augmentation du nombre des femmes à l’Assemblée nationale, dans le gouvernement et au niveau de beaucoup d’autres postes de responsabilité. J’ai même appris que le nouveau Président de la République a nommé une femme comme Gouverneur de la Région de Niamey, qui constitue sans doute son «baraka da salla» pour vous toutes. J’ai aussi appris – mais ça ce n’est pas ma fille qui me l’avait dit – que quand Tandja était au pouvoir vous les femmes de la ville vous avez eu un grand cadeau. On m’a dit que lorsqu’on doit vous opérer pour enlever un enfant de votre ventre, vous ne payez aucun franc. Mais ce qui m’étonne dans tout cela et qui m’a poussé à vous écrire cette lettre, mes sœurs et filles, c’est quand je constate que toutes ces choses qu’ont dit avoir été faites pour les femmes nigériennes ne profitent qu’à vous et à vous seules. Dites-moi, don Allah don Annabi, quel intérêt nous femmes paysannes nous tirons du fait qu’il y a dix femmes au gouvernement ou le double à l’Assemblée nationale ? Vous allez certainement me dire que ces femmes qui sont au gouvernement ou à l’Assemblée ont des parentes paysannes qu’elles vont aider. Mais même si c’est le cas, qu’est-ce que cela va représenter dans un pays où les femmes vivent en majorité dans le monde rural ? Je n’ai pas fini : dites-moi, don Allah don Annabi, en quoi le fait de rendre gratuite l’opération d’une femme lors de l’accouchement peut intéresser nous autres femmes paysannes ? Ne savez-vous pas que la plupart d’entre nous accouchent seules dans leurs cases et de fois même dans les champs ou sur la route du puits ? Pourquoi dans les doléances que vous soumettez à nos dirigeants, vous n’exigez pas d’eux qu’ils multiplient le nombre des puits et forages dans les villages et hameaux et qu’ils dotent des moulins pour alléger nos taches quotidiennes ? Qu’on se comprenne bien mes sœurs et filles : je n’ai aucun grain de jalousie que vous ayez des bijoux en or, des boubous en basin et bien brodées, des véhicules de luxe et que les Blancs vous financent et vous invitent à des voyages dans les avions. Mais je vous demande simplement d’être un peu plus sérieuses avec nous, en intégrant nos problèmes dans vos revendications. Et cela, pour la bonne et simple raison que vous vous êtes donné le droit de parler à notre nom !!!!

    Votre sœur et mère Tarana

    Source : http://lagriffe-niger.com/

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