• La mode de l’Éthique : vers un ascétisme désertique ?

    Le désordre, la frénésie et le besoin insatiable de consommation, du Monde Global, sont-ils compatibles avec les restrictions ou les créations artisanales du mode de vie Local ? L’ascétisme désertique est-il en train de gagner l’Esprit du Monde ? Pourvu qu’il en soit ainsi !

    Selon les spécialistes les plus avertis la planète ne pourra guère supporter plus l’activité humaine que génère la production des produits qui coulent abondamment dans les magasins. D’autant plus que les déséquilibres résultant de cette surproduction creusent, chaque jour, un peu plus, le fossé entre les riches et les pauvres, ce qui, par ailleurs, menace davantage la stabilité, et la paix du monde.

    Les grands producteurs sont réticents, - par peur de voir leur profit et gains baisser - à ralentir cette machine, alors, des modes de ventes et de distributions s’organisent et font chemin en séduisant de plus en plus de consciences et des consommateurs. 

    Concilier, profit et démarche éthique est le slogan de nouveaux « Marchands Responsables », et « Consommer Équitable » est le credo des clients soucieux d’une redistribution plus équilibrée des richesses du monde.

    Ainsi, comme les disent les propos suivants, le monde, en transformations et dans des bouleversements, dont il difficile de lire ou prédire l’avenir de notre planète, semble avoir trouvé de nouvelles pistes, susceptibles, - dit-on -, d’apporter un certain équilibre planétaire. 

    Alors, Il faut y croire ! Y croire, « pour que cela marche », comme le dit le dicton, et y croire comme cet interlocuteur qui m’affirme :

    « C’est pour le droit des Femmes, des populations locales, pour un commerce équitable entre Nord et Sud que nous œuvrons ainsi », m’avait dit alors, ce Bobo, convaincu, lors d’une soirée parisienne, en sirotant, avec satisfaction, son jus de gingembre importé d’Afrique de l’Ouest. L’homme semblait réjoui de sa réussite économique, de son ascension sociale, et manifestement satisfait à l’égard des résultats de son engagement…

    Pourvu que la vie produise davantage d’êtres aussi heureux. 

     Mon locuteur se fait le défenseur, « le représentant de commerce » d’un groupement de femmes, qui, en vivant entre Sahel et Sahara, confectionnent des objets d’Art et d’Artisanat pour le plus grand plaisir des yeux. Le travail est destiné, aux trocs entre familles, par la beauté des symboles, aux mariages et aux fêtes. Et accessoirement, occasionnellement, quand les conditions le permettent, ces articles sont vendus. Cette vente se fait de plus en plus avec des opérateurs étrangers, qui, à leur tour, comme notre Bobo, revendent, souvent à des prix dont les bénéfices sont importants, parfois juteux !

    D’un port à l’autre : le Globalisme, - la standardisation - est une menace à la diversité des richesses du Monde !

     

    En quittant les bords du Canal Saint Martin, l’un des quartiers parisien le plus prisé par les boutiques « Tendance Équitable », j’ai au cours de mon voyage au Sahara, rencontré certaines de ces femmes dont me parlait alors, le « représentant de commerce ». 

    Il faut dire que je n’étais point dans l’ignorance de l’existence de celles-ci. Puisque, bien que, vivant à cette poque-là à Paris, c’est de ma terre saharienne natale qu’il s’agit, parlant, alors de ces femmes !

     

    Le discours du Bobo - vendeur avait, alors, aiguisé ma curiosité, je m’en suis souvenu en rencontrant, entre Sahel et Sahara, ces femmes qui sont Touaregs, Maures, entre autres, elles sont artisanes ou simplement, dépositaires des savoirs traditionnels anciens qu’elles se transmettent de mère en filles, de génération en génération. J’ai voulu m’interroger sur la place de ces femmes dans notre monde globalisé. En écoutant et en recueillant une part de réflexion qu’elles ont sur elles-mêmes, sur leurs sociétés, puis l’idée qu’elles se font d’elles dans ce monde mondialisé.

     

    Les dynamiques de rencontres et d’échanges ne laissent évidemment aucune partie du monde, indifférente à l’autre.

    En effet, je suis à Tombouctou, cela paraît être le bout du monde, et ma réflexion s’interroge aussi sur ces flux d’informations mondiales qui parviennent jusqu’ici en se propageant, aussi vite que le vent, comme le sable qui, peu à peu, engloutit la ville du Savoir et de l’Imaginaire.

    Avons-nous besoin de toutes ces nouvelles ? Alors que le plus souvent, une information est jugée « bonne  et utile », du point de vue de la majoritaire médiatique, seulement quand celle-ci procède d’un drame, tandis que la bonne nouvelle, quant à elle, est banalisée voire marginalisée, dans certaines rédactions.

     

    Consommer tout et n’importe quoi est le credo de notre monde global. Et même les parties reculées, notamment en Afrique, restées longtemps en marges, sont sur le point de rejoindre le phénomène général, comme un nouvel ordre mondial.

    L’uniformisation, - le clonage -, selon l’expression de Pierre Rabhi des modes de vie qui aboutit à un modèle unique est contraire à l’esprit d’ouverture, de la diversité, des richesses qui contiennent des ressources inépuisables pour la planète. 

     Pour ma part, en prenant refuge, comme je le fais, dans une vieille maison à l’entrée nord de Tombouctou, la cité mythifié, par les voyageurs et les écrivains, j’avais fait le choix délibéré d’observer les mondes dits « Local » et « Global » à partir d’un point de vue Désertique. C’est-à-dire, un regard, pour le moins, débarrassé de certaines velléités urbaines. L’interaction des mondes est évidente, certes, mais, il n’en demeure pas  moins, que cette relation me laisse, néanmoins perplexe.

    Et pour confronter la pensée à la réalité, je rends quotidiennement visite à des familles à Tombouctou et dans des campements nomades environnants. Puis, je fréquente des érudits, des sages et des écrits capables d’alimenter ma réflexion.

    Je me rends dans des « ateliers » d’artisans. Leur métier, depuis jadis à nos jours, a été de confectionner des objets servants utilement à la vie courante de leur communauté qui, en échange, leur assurait, subsides et protection.

    Les hommes travaillent le fer et le bois. Les femmes, quant à elles, réalisent avec le cuir, des tentes, des coussins, des sacs, des tapisseries, des bracelets, des bijoux et toutes sortes d’objets utiles aux ménages.

    Les créations se font alors en fonction du besoin, et non pour créer une demande, cela permet de garder une certaine vigilance afin de ne pas tomber dans le piège de la tentation et de la surconsommation abusive et inutile. Cette philosophie est héritée de l’ascétisme désertique. Une manière d’utiliser judicieusement et avec parcimonie les ressources, en renonçant volontairement au superflu.

    Un vieux sage, au regard mystique et profond, rencontré, est un exemple vivant, un adepte de cette philosophie :  « Je fais partie de ceux  qui mangent seulement quand j’ai faim et non, parce que c’est l’heure de manger », m’avait-il confier d’une sérénité comblant tout vide. En voilà une pensée se substituant à toute nourriture. J’avais ainsi ma provision, ma substance, pour les semaines et les mois suivants.

    Et en parvenant à l’alchimiste, le forgeron, touchant et examinant son travail en finition, celui-ci, ma lâche cette réflexion : « J’ai fait ce couteau de façon à pouvoir l’aiguiser en fonction du besoin de son propriétaire, à la différence du couteau industriel trop aiguisé et destructeur ». Voilà une autre formule, issue de la nature, au service de l’esthétisme, et de l’utile, susceptible d’inspirer des entrepreneurs Éthiques, comme « Le Salon du Luxe Durable » adepte de proportion mathématique et harmonieuse. 

     L’anecdote, du forgeron, décrit, par ailleurs, avec une certaine justesse l’écart se trouvant entre celui qui crée, avant tout, par nécessaire utilité, et l’autre, qui produit par principe de précaution sécuritaire, du besoin dépendant de l’immédiateté, ou encore dans le but de vendre et de faire du profit.

     Parlant de vendre : quand notre Bobo Parisien dit « sauver la planète », ou prétend aider « le pauvre l’artisanat Saharien », il n’est pas ignorant ou innocent du choix qu’il fait. Et pour cause, l’artisanat en question, notamment celui des Touaregs est mondialement reconnu pour sa beauté et son raffinement. Ces distinctions sont le fruit d’un travail singulier qui est « fait main », suivant une démarche artistique et artisanale propre à la confection des objets de grand luxe. Ce savoir faire, fait partie intégrante du patrimoine culturel Saharien, il est transmis de génération en génération et de père en fils dans les familles d’artisans. 

     Les femmes héritent aussi de ces savoirs, elles se chargent de les préserver, de s’en servir et de les transmettre à leur descendance. J’ai eu l’occasion de rencontrer certaines parmi ces dépositaires de traditions ancestrales, ces femmes ne sont pas dupes des profondes motivations intéressées et financières, - au-delà du caractère l’engagé à saluer -, de leurs Vrp, déguisés sous des allures romantiques et solidaires.

    Pourtant, en prônant une relation commerciale durable plus décomplexée, discuté en accord, et moins travestie de non-dits. En ayant des rapports moins guidés par un intérêt purement de gain, masqué sous forme de complaisance, dans un sens, comme dans l’autre, le commerce dit équitable, le concept Éthique et son action trouveront certainement beaucoup plus un chemin en accord avec l’Idéal prôné. Et ce sera alors, la Solidarité, au sens authentique et noble, qui en gagnera grandement, dignement, de façon durable et équitable.

    Et comme, à long terme, le vendeur est susceptible de devenir plus dépendant du client que l’inverse. Il faut alors espérer qu’un jour, l’équité ne sera plus seulement un hymne banalement chanté par tous, pour se donner bonne conscience, pour faire de façon sournoise du profit sous les auspices des bonnes causes. C’est alors, à ce moment-là que « le Monde Équitable » deviendra une réalité effective pour Tous. Vivement demain, vivement ce jour-là !

     Mais pour aujourd’hui, il n’y a vraiment pas, à mon humble avis, à se glorifier, à se flatter, que des producteurs (de tous continents et de toutes activités) bénéficient  « décemment », naturellement, des fruits des productions  qui leur appartiennent !  Quoi de plus normal ?

                                                                                                                                   Intagrist El Ansari.

     IN "United Fashion for Peace Magazine" N°2

    Chroniques Du Sahara

    http://www.unitedfashionforpeace.com/index.php/uffp-magazine

     

    © Intagrist El Ansari

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