• "Al'lèèssi" : le destin d'une actrice africaine

    LEMONDE pour Le Monde.fr du 16.11.10

    En sonrhay, une des langues parlées au Niger, "Al'lèèssi" signifie "le destin". C'est à celui de Zalika Souley, une femme d'âge mûr que l'on découvre dans la rue, ses courses sur la tête, qu'est consacré ce film.

    Dans les années 1960, Zalika Souley était une gloire nationale : la première actrice de cinéma nigérienne. Emblématique de la situation catastrophique dans laquelle se trouve aujourd'hui le cinéma africain, le film, qui arrive aujourd'hui sur les écrans français, a été tourné en 1998. Il a été montré la première fois, en vidéo, au Fespaco de Ouagadougou en 2003 pour atterrir à Cannes, trois ans plus tard dans une version kinescopée, en sélection officielle.

    Rahmatou Keïta, la réalisatrice, a donc filmé Zalika Souley dans la cour de sa petite maison en 1998, deux ans avant qu'elle ne soit contrainte d'émigrer, pour devenir femme de ménage dans un autre pays.

     

    Dans le témoignage qu'elle lui livre, elle revient sur les souvenirs de cinéma de son enfance (sur Maciste en particulier, le premier film qu'elle a vu sur grand écran), sur les circonstances qui l'ont conduite à devenir actrice, sur les réactions - de rejet essentiellement - que ce choix de carrière a suscité en pays musulman, sur la célébrité qu'elle a acquise, le rôle d'ambassadrice de son pays qui est devenu le sien dans un contexte de guerre froide...

    Le film donne la parole à certains des cinéastes nigériens qui l'ont filmée - Mustapha Alassan, Oumarou Ganda, Mahamane Bakabé... Il donne aussi à voir des extraits de films dans lesquels elle a joué.

    Avec ceux-ci, c'est toute une cinématographie nationale, débordante de vitalité, d'un optimisme conquérant caractéristique des années 1960, qui renaît dans ce film. Des westerns africains, des films noirs, dont les acteurs se faisaient appeler Garry Cooper, ou Steve McQueen - comme le personnages principal de Moi, un Noir de Jean Rouch, on s'en souvient, qui se faisait appeler Edgar G Robinson : "Parce que les blancs gagnaient toujours, nous voulions être comme eux, nous nous habillions comme eux" explique Zalika Souley.

    Le film regorge ainsi d'anecdotes qui capturent l'esprit d'une époque. Il dure 1 h 09 seulement, et l'on se demande pourquoi si peu. On en aurait aimé plus. Plus d'archives de ces très beaux films, plus d'informations sur ce cinéma enseveli par l'histoire, plus même sur la vie de cette actrice qui, malgré le poids des ans, malgré l'ingratitude que son pays lui a témoigné dans la seconde partie de sa vie, a conservé une classe qui force le respect.

    Film documentaire nigérien de Rahmatou Keïta. (1 h 09.)

    Isabelle Regnier

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